France Ruralités : un plan ambitieux, vraiment ?
La première Ministre a dévoilé, le 15 juin, le plan, "ambitieux", France Ruralités pour améliorer l'équité territoriale. Après 60 ans d'aménagement du territoire, cette fois-ci c'est le bon plan ?
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L’aménagement du territoire c'est un peu comme les politiques de la Ville : beaucoup d’argent et peu de résultats. Il y a pile 60 ans naissait la Datar, la Délégation à l’aménagement du territoire, avec mission d’éclairer les politiques des différents gouvernements. Elle avait bien anticipé l’utilité du télétravail, les ancêtres des coworking (les télécentres) et la nécessité de déployer du très haut débit Internet partout. Sans beaucoup de succès.
Elle a, depuis, changé de nom (DIACT, CGET puis ANCT). Le déséquilibre entre les villes et les campagnes n’en a pas, pour autant, beaucoup évolué.
On a construit des centaines de kilomètres d’autoroutes (sauf en Bretagne qui ne s’en porte pas plus mal) ; on sait aujourd’hui qu’elles sont plus utiles pour traverser rapidement les territoires que pour y attirer des habitants. On a construit des lignes de TGV dont le plan illustre notre jacobinisme indécrottable. Et le très haut débit couvrira tout le pays prochainement, avec 15 ans de retard sur le besoin.
Pourtant, la campagne (ou la ruralité en langue administrative) c’est 22 millions d’habitants sur près de 90% de l’hexagone ! Je ne vais pas refaire la litanie des retards d’équipements et des manques graves de la ruralité (voire de l’hyper-ruralité), vous les connaissez parfaitement si vous avez lu Christophe Guilluy ou Jean-Laurent Cassely : santé, services publics, activité économique, transports et j’en passe.
Je pourrai y ajouter quelques hashtags : #diagonaleduvide #exoderural #desertmedical #vieillissement #giletsjaunes #territoiresabandonnes.
Un nouveau plan ruralité
Ce fameux nouveau plan de développement rural annoncé par la première Ministre a été construit selon quatre axes :
soutenir davantage les communes rurales dans la conduite de leurs projets grâce au lancement d’un nouveau programme baptisé « Villages d’Avenir » : ce programme d’ingénierie s’appuiera sur le recrutement de 100 chefs de projets, avec la mission d’accompagner les maires de petits villages à passer de l’idée au projet.
Reconnaître et rémunérer la contribution des territoires ruraux à la planification écologique en augmentant le montant de la dotation biodiversité de 40 à 100 millions d’euros.
Apporter des solutions aux problèmes du quotidien des habitants des campagnes grâce à un ensemble de mesures concrètes et immédiates : déploiement de 100 nouveaux médicobus à travers le territoire, pérennisation du fonds de soutien aux commerces ruraux , création d’un fonds de 90 millions d’euros sur 3 ans investir et soutenir les mobilités du dernier kilomètre.
Pérenniser les zones de revitalisation rurale (ZRR) qui rendent éligibles les entrepreneurs ou médecins à des aides et défiscalisation pour installer leur activité.
Toutes ensembles, ces mesures forment un faisceau d’actions qui semble très étoffé.
Mais le plan souffre de deux maux consubstantiels à l’action publique en France :
on ne s’attaque pas aux causes. Trois exemples. Soutenir les commerces ruraux est fort sympathique mais aucune subvention publique ne remplace un modèle économique sain, avec des clients. Pourquoi les commerces ruraux ferment-ils ? Vous avez trois heures pour répondre à la question.
Autre exemple : déployer 100 médicobus pour pallier le manque de médecins est une bonne idée (qui existe déjà dans l’Orne, à l’initiative du conseil départemental). Mais où va-t-on trouver 100 médecins itinérants alors que, justement, on manque de médecins, y compris en ville ?Autre mesure : avec 90 millions d’euros pour aider les collectivités à améliorer les services de mobilité innovants, on saupoudre 1 M€ par département. Combien de mètres de pistes cyclables peut-on construire avec ce budget ?
on bâtit une usine à gaz qui repose sur les acteurs publics. Le plan de Madame Borne me fait penser à la première initiative de Jacques Chirac président, qui avait convoqué les préfets pour… relancer l’emploi. Développer des Maisons France service (ex-Maisons de services publics) est utile pour améliorer l’accessibilité aux services publics. Mais elles ne créeront pas un emploi. Ce qui fait la vitalité des villages allemands par exemple, c’est leur volonté de développer localement de l’activité économique. On a donc les moyens de “vivre au pays”, ce qui est plus efficace pour faire vivre les commerces ruraux.
C’est dommage, car ce plan “ambitieux” comporte de bonnes idées. Mais je doute de son efficacité pour “sauver la ruralité”. À l’usage, nous avons appris à nous méfier des “grands plans pour…”.
🟥 Plan France Ruralités (avec un “s”)
France Ruralités : un plan ambitieux pour davantage d'équité territoriale (PDF, à télécharger)
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🧑🎓 L’obsession du diplôme
Il manque 12 000 soudeurs à l’industrie française : une partie des six métiers en tension qui cherchent à recruter 90 000 postes. Les quatre causes pour Philippe Silberzahn ? Le mépris pour le monde sensible, une hiérarchie de valeur dans le type d’études et notre obsession pour le diplôme et obsession pour l’abstraction.
🛠️ Le boom des néo-artisans
Les quatre plaies du modèle mental décrit ci-dessus conduisent aussi des diplômés, fatigués de leurs bullshit jobs, à devenir artisans. Retrouver du sens et le “monde sensible” par le “faire”, après des études tournées vers l’abstraction.
🏖️ Test du télétravail à la plage
Dans le nord de l’Allemagne, au bord de la mer Baltique, des cabines spartiates dotées de prises et du wifi permettent de travailler les pieds dans l’eau. Une journaliste du “Spiegel” est allée les essayer.
🙅♀️ Monde du travail : sexiste et inégalitaire
Pour 79 % des 90 000 femmes interrogées en France, un sondage, les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou à des décisions sexistes dans le monde du travail.
👎 Le bureau c’est fini !
Aux États-Unis, les salariés boudent le bureau et préfèrent le télétravail. Comme des millions de travailleurs dans ce pays, Claire a, depuis la Covid, pris goût au télétravail et ne compte plus passer toute sa semaine au bureau.
🌻 Agriculture robotisée
Le nombre de robots bondit de 85% en 5 ans dans l’agriculture. C’est l’estimation produite par l’Observatoire des usages du numérique en agriculture, qui évalue à 600 le nombre de robots en usage en cultures, et à 18 000 en élevage.
🚴🏼♂️ Le vélotaf, activité genrée ?
Une récente étude australienne revient sur les freins à l’adoption du vélo pour les femmes. La conclusion semble sans appel : les meilleures infrastructures cyclables pour les femmes, sont conçues… par des femmes.
L’engagement des salariés augmente, le stress aussi
Le pourcentage mondial de salariés engagés dans leur travail a augmenté entre 2021 à 2022. La tendance est sur une pente constante, depuis 2009 et la première publication du rapport de Gallup.
Mais si la tendance générale est à la hausse, l'engagement a diminué aux États-Unis et au Canada, a augmenté en Asie du Sud. L'Europe a, elle, le taux d'engagement des salariés le plus faible au monde.
La mauvaise nouvelle est que le stress des salariés a également augmenté. Le stress est associé à des problèmes de santé physique et mentale et à une baisse de la productivité.
Vite dit
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Et voilà, c’est fini pour cette semaine. Dans le cas où vous seriez trop concentrés sur votre travail pour lever le nez, je vous informe que c’est l’été !
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La réponse est dans la question, mais on ne pose pas la bonne question.
La bonne question est : "Personne n'a donc envie d'habiter la campagne en 2023 ?"
Vous allez me répondre que c'est le rêve de plein d'urbains. Mais vous évoquez en réalité 2 paradigmes qui ne sont pas le bon : la cité-dortoir de l'urbain qui habite la campagne, mais travaille en ville. La résidence secondaire de l'urbain qui ne vient que le week-end.
Non, vivre à la campagne, c'est plus profond.
On parle bien d'habiter, dans le sens : y avoir sa vie. Y dormir, y travailler, y élever ses enfants, y avoir ses loisirs, etc. Et j'ai bien l'impression que ce mode de vie là, à la campagne, cela ne fait plus rêver grand monde (sinon, on n'aurait aucun mal à y faire venir des médecins).
Nous devons nous rendre à l'évidence : le mode de vie périurbain est désormais l'idéal, tant pour des urbains qui veulent un jardin que pour des ruraux qui n'ont plus la force d'entretenir le leur. C'est le modèle que nos élus développent depuis 40 ans, ils ont donc bon dos de vouloir le faire oublier !