En finir avec la bourreau-cratie
Le futur du travail sera vraisemblablement plus flexible et plus collaboratif. Mais il faudra aussi qu'il vienne à bout de la bureaucratie pour respecter réellement les humains au travail.
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Le 20 mai 2017, Jérôme Laronze, éleveur de bovins de 37 ans, est abattu par les gendarmes après neuf jours de cavale. “D’abord épinglé pour des retards d’identification de ses bêtes, Jérôme Laronze s’était engagé dans un bras de fer avec l’administration : refusant de pratiquer les tests ADN demandés pour garantir leur traçabilité, il avait été sanctionné par une interdiction de vendre ses bovins. Cette immobilisation avait entraîné une surmortalité qui devait conduire à la saisie de son troupeau pour maltraitance animale…”.
Cette présentation du drame est celle du documentaire de Gabrielle Culand, “Sacrifice paysan”, visible sur arte.tv. Il décrypte l’engrenage administratif ayant conduit à la mort de Jérôme Laronze.
Victime de la bureaucratie ordinaire qui nous frappe tous et en broie certains. Une sorte de roue à cliquet qui avance, sans possibilité de retour en arrière.
J’ai lu cette histoire dramatique qui surgit dans une vie ordinaire dans une récente newsletter du philosophe Gaspard Koenig (dans laquelle il diffuse un de ses éditoriaux des Echos, Bureaucratie : le point de non retour). Il s’en prend à la maladie bureaucratique qu’il juge, de manière très très pessimiste, non réformable.
Certes les paysans sont plus exposés que d’autres à cette bureaucratie. Mais nous y sommes tous confrontés, victimes d’administrations publiques comme de sociétés privées. De petites tracasseries ou de grosses galères pour, par exemple, se faire rembourser par une plateforme de réservation de voyages, pour réparer un dramatique quiproquo administratif ou après une usurpation d’identité.
Ou encore la routine des KPI’s en entreprise, ou le monstre étatique de lutte contre la Covid, sujets déjà abordés ici il y a quelques mois.
L’effet est toujours le même : je parle à un mur. La cause est toujours la même : un besoin de système, en politique et dans l'entreprise. Plus de normes, plus de process : c’est plus d’agents et plus de salariés pour les mettre en oeuvre. C’est aussi plus de contrôle et plus de surveillance. La machine folle échappe à ses créateurs et aux bonnes intentions d’origine. “Je comprends bien votre position mais c’est le règlement”. Vous l’avez probablement déjà entendue cette phrase du fonctionnaire ou du manager peut-être compatissant mais qui se dédouane quand même.
Les acteurs ne sont pas si mauvais mais ils sont pris dans un engrenage. Comme dans le drame du harcèlement chez France Telecom qui avait conduit plusieurs salariés au suicide. Il fallait sauver l’entreprise !
Cette semaine était rendu le jugement d’appel des dirigeants de cette affaire. Un allègement des peines par rapport à la première instance qui semblerait être la conséquence d’un changement d’attitude des accusés, plus compassionnelle. Peines allégées mais, sur le fond, pas de changement : “Comme le précédent jugement, il sonne donc comme une charge contre une vision étriquée de la « logique de l’honneur », et sous-entend qu'elle doit inclure aussi une préoccupation pour le bien-être des personnes qui travaillent dans l’entreprise” selon Sébastien Fosse, professeur à l’ESC de Clermont.
Management tatillon et micro-management, esprit de bureau, syndrome du petit chef, paperasserie, irresponsabilité, hyper-inflation normative, technologie intrusive : tous ces éléments se combinent pour transformer nos vies professionnelles et personnelles en enfer.
Face à ce raz-de-marée, vous pouvez “attendre les barbares” comme Gaspard Koenig ou “les cosaques et le Saint-Esprit” comme Léon Bloy. Vous pouvez aussi vous coucher et pleurer. Ou tenter de vous lever pour enrayer cette machine.
En tout cas, vous devez le sentir : le sujet du futur du travail dépasse largement le débat sur le travail hybride ou la semaine de quatre jours.
Le sociologue Bruno Latour, qui vient de mourir, donne peut-être une piste de réflexion. De son observation de l’arrêt d’activité pendant la crise de la Covid, il tire un questionnaire, un auto-quiz, pour définir les activités vraiment essentielles pour nous. Un chemin vers plus de frugalité.
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🙀 Je suis là
Mauvais management et hypercontrôle ? Plus d'une heure par jour ! C'est le temps que passent des employés quotidiennement pendant le télétravail, à montrer qu'ils sont actifs.
⛔️ Non, non et non
Aujourd’hui, le concept de la subordination qui était en adéquation avec l’exécution du travail dans un cadre strictement hiérarchisé adapté aux usines, semble dépassé. Et donc les salariés ne veulent plus obéir !
🤔 Repenser son organisation ?
Faut-il changer d’organisation du travail après la crise ? Voilà quelques éclaircissement pour vous aider à y réfléchir. Vous êtes plutôt “cascade de pyramides hiérarchiques” ou “mosaïques d’équipes auto-organisées” ?
🤣 Tiers-lieu à vocation sociale ?
le projet du tiers lieu de Simandre en Saône-et-Loire s’inspire pour partie des souvenirs des habitants pour mener une action culturelle et sociale en prise directe avec la réalité du village.
😄 Travail hybride socialement responsable ?
Le think tank “progressiste” Terra Nova publie un rapport qui trace les contours d’un « travail hybride socialement responsable » et formule des propositions concrètes pour le mettre en œuvre.
😂 Métavers au bureau ? On va attendre un peu
Horizon Worlds, le métavers de Mark Zuckerberg, souffre de problèmes de qualité. Pire, les équipes de développement ne l'utilisent pas assez. Ce bilan accablant vient d'une note interne de Vishal Shah, vice-président en charge du métavers de Meta.
🔨 Faut-il casser les banques ?
Ne dites pas non, je suis sûr que vous les utilisez dans votre travail. Mais le monde que nous vendent les banques d'images est terrifiant. Ces illustrations, uniformisées et omniprésentes, forgent sans même qu'on ne s'en rende compte la représentation d'une autre réalité que la nôtre.
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Mobilités dures
Les réponses de 12 400 Européens, dont 2 400 Français, à une enquête de la fondation Vinci, témoignent de la nécessité de sensibiliser l’ensemble des usagers au respect d’autrui et des règles, de façon à permettre une coexistence harmonieuse des usages. Un exemple : 96 % des usagers de la route ont peur du comportement à risque des autres.
Interview de l’anthropologue David Graeber, lui aussi disparu il y a peu, à propos de l’édition française de son livre, Bureaucratie (Ed. Mollat, 2015). Il s'intéresse à l'histoire de notre rapport singulier à la bureaucratie et révèle comment elle façonne nos vies à tel point que nous n'en avons même plus conscience.
Et voilà, c’est fini pour cette semaine.
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Très bon billet Xavier. Merci pour cette synthèse.
Merci Laurence 😉