En bonne intelligence avec l'IA
Non, l’IA ne va pas “tuer” les métiers du jour au lendemain. L’évolution sera graduelle, dans le sens d'une augmentation des capacités humaines. Les usages sont à inventer.
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Comme beaucoup de monde, j’ai du mal à me faire une idée précise de l’impact réel de l’IA générative dans les entreprises. En revanche, je vois mieux les projets peu sérieux lancés, les gros investissements, pour l’instant peu rentables, et la production de contenus qui s’apparente la plupart du temps à de la bouillie pour les chats.
Nous sommes encore loin du “plateau de la productivité” dans le cycle du hype de Gartner qui définit l’évolution de l’intérêt du public lors de l’apparition d’une nouvelle technologie.
J’en étais là lorsque, cette semaine, je découvre, dans ma veille, cinq articles convergents et complémentaires : l’IA n’est ni une menace ni une solution simple à tous les problèmes de l’entreprise. À certaines conditions.
Chacun des cinq auteur a une approche différente : ils créent un tableau d’ensemble pointilliste qui esquisse une manière de progresser avec l’IA.
À cause de l’IA, “ dans cinq ans, il n’y aura plus de comptables !” La formule claque... puis se dégonfle. Pour Philippe Silberzahn, la comptabilité ne se résume pas à “calculer des chiffres” : c’est du jugement, de l’éthique, de la relation. Le vrai sujet n’est pas la disparition, mais la réinvention des métiers dans un monde d’IA et de données — et ça commence maintenant.
Dans les métiers du conseil, l’usage de l’IA fait évoluer la nature des livrables dans les missions : ils passent du rapport écrit et des PowerPoint à l’agent IA prêt à l’emploi. Alexandre Durand-Chabert décrit des cabinets qui s’équipent d’outils et de pratiques (LLM privés, agents métier, contrôle qualité humain) et facturent la capacité cognitive délivrée plutôt que des “heures-homme”.
Le consultant devient chef d’orchestre d’agents IA avec de nouvelles pratiques : cadrage, prompting stratégique, garde-fous pour éviter les errements des IA, intégration métier. Cette logique s’étend à la finance (pré-clôtures accélérées), au support client (résolution assistée + empathie humaine), au produit (prototypage boosté, arbitrages toujours humains).
Contrairement à ce que l’ont entend beaucoup, on n’est pas dans un monde dans lequel l’humain s’oppose à la machine, et où la machine risque de tuer l’humain, mais dans un univers d’apprentissage dans lequel l’humain dirige et augmente ses capacités grâce à la machine.
Benoît Raphaël s’appuie sur une étude académique récente de l’université Yale : pas de signal net d’un remplacement massif et rapide des emplois par l’IA dans les statistiques à court terme. Plusieurs tendances d’évolution étaient déjà engagées avant ChatGPT.
Conclusion : ne pas “prétexter l’arrivée de l’IA” pour licencier, mais apprendre à s’en servir en complémentarité — d’autant qu’elle fait des erreurs différentes de celles des humains. Comme il l’explique par ailleurs, en faire “un partenaire qui nous apprend à penser différemment et plus profond”.
L’épisode de la déconvenue du cabinet Deloitte en Australie (un rapport créé avec une IA et truffé d’erreurs, facturé 440 000 $ australiens, a donné lieu à un remboursement partiel au client) rappelle que l’utilisation de l’IA sans contrôle éditorial rigoureux coûte, en réputation et en cash.
Pour Nicolas Colin, l’IA bien employée crée un surplus de valeur économique, à la fois par gains de productivité (faire mieux / plus vite / moins cher) et par de nouveaux usages (offres impossibles auparavant).
Selon les structures de marché et les choix de gouvernance, ce surplus peut :
au bénéfice des producteurs pour financer montée en gamme, investissement et meilleures rémunérations
au bénéfice des consommateurs avec des prix plus bas, une qualité supérieure, des délais réduits, des expériences enrichies.
Traduction : ce n’est pas “IA = fin du travail”, c’est “IA = arbitrages de création et de partage de valeur”.
Cela souligne l’importance d’une stratégie explicite de capture et de redistribution (formation, outillage, temps de R&D interne) pour convertir la productivité en prospérité partagée.
La GenAI (IA générative) permet de produire vite, mais la vitesse n’excuse pas le slop (contenu bâclé), affirme Marie Dollé. La valeur se joue dans le sens, l’édition, la qualité — bref, l’humain aux manettes. Elle plaide pour “une intelligence capable de révéler des liens, d’ouvrir des possibles encore invisibles. Bref, une IA qui éclaire plutôt qu’elle ne remplace”.
Pour résumer, l’avenir n’est ni binaire ni anxiogène : il est humain augmenté par la machine et non pas humain aliéné par la machine.
Ce qui fera sortir les entreprises du lot ne sera pas “qui a l’IA”, mais qui sait l’orchestrer, qui en maîtrise la qualité et qui sait répartir équitablement le surplus de valeur économique.
😎 Data gueule
L’École polytechnique suspend sa migration vers Microsoft 365, et passe au logiciel libre, contrainte par une mobilisation inédite. Une victoire qui révèle les failles béantes de la stratégie numérique de l’enseignement supérieur français.
👍 Des idées pour votre management
Clinitex est une entreprise de nettoyage de locaux professionnels. Édouard Pick, son jeune dirigeant, s’est inspiré de son éducation Montessori dans ses principes managériaux : confiance, auto-évaluation, transparence, épanouissement…
🥊 Y’a du débat
On n’a jamais tant parlé du travail depuis que les politiques se renvoient leurs différentes conceptions à la figure. Et ça cause beaucoup du fond. Dernier épisode : les rentiers profitent-ils du travail des autres ?
👶 Maman revient au boulot
Près de la moitié des femmes cadres jugent leur retour de congé maternité difficile, selon une étude de l’Apec. Certaines entreprises, comme KPMG ou Volkswagen, proposent des mesures innovantes pour faciliter la reprise.
🤔 À vérifier
Cela va contre une idée reçue, à vérifier donc : plus d’un Français sur deux pense qu’il toucherait moins d’argent en devenant freelance. Et pourtant… À métiers équivalents, les indépendants gagnent en moyenne 96 % de plus que les salariés.
💋 Le leadership féminin existe-t-il ?
Un très intéressant article de Martin Richer derrière ce titre qui pourrait être mal interprêté. Pour illustrer son questionnement sur le sujet, Martin se penche sur le parcours de Jacinda Ardern, première ministre de Nouvelle-Zélande, élue à 37 ans en 2017 et démissionnaire en 2023.
👺 Ça paye plus !
L’APEC et Terra nova ont interrogé des salariés du privé qui considèrent dans leur majorité que leur rémunération a stagné, voire reculé, ces dernières années. Ils ne se tournent pas en priorité vers leur employeur pour corriger cette situation, comme si les difficultés économiques des entreprises étaient intériorisées. Mais… vers les pouvoirs publics.
Vite dit
Inspirez-vous de l’Inde, cela vaut le coup 🌀 Ne restez pas seuls 🌀 Rigolote cette appli 🌀 La sheinisation du vélo 🌀 Tout, tout, tout sur le sourire.
Sans commentaire.
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Oui, non, peut-être, comme finalement pour toute innovation technologique.
À une exception près toutefois, c'est le dessein politique et la non-neutralité qui s'impose avec l'IA. L'IA, même si on aimerait le penser, n'est plus un outil, c'est un service. Un service, qui comme tous les services avec des termes d'utilisation qui sont forcément orientés, et avec un design, une exploitation des ressources qui sont eux aussi orientés. L'IA ne coupe jamais ses chaines, ses laisses et n'est jamais indépendante. C'est dramatiquement vrai dans le monde de la création.
La question n'est pas l'IA - c'est un biais de vocabulaire certainement, mais qui permet l'illusion de la neutralité et du moindre impact. La question, ce sont les opérateurs de l'IA.
Comme je l'ébauchais rapidement dans cet article cette semaine : https://mononcle.substack.com/p/ce-que-lintelligence-artificielle