Télétravail et attractivité, même combat ?
Télétravail et attractivité, même combat ?
Le télétravail ne résoudra pas les problèmes d'attractivité territoriale. C'est juste un mode d'organisation du travail, porteur de vertus et d'inconvénients.
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Cette semaine, je suis tombé sur un petit exercice de prospective d’Ultra Laborans publié dans Ville Hybride, intitulé Et si le télétravail n’était pas le futur... du travail ?
L’article dénonce le dogme du télétravail comme futur inéluctable. C’est toujours une bonne idée de “questionner les tendances”, de penser contre soi et d’ouvrir un débat.
Mais l’exercice est, ici, plutôt un plaidoyer pour un mode d’organisation de l’économie et du travail plus local et plus décarboné. Ce qui signifie par exemple : relocalisation, petites unités de production, tiers-lieux plus près des lieux de vie. C’est un point de vue car la démobilité induite par le télétravail n’est pas antinomique de la relocalisation.
Deux choses ont attiré mon attention dans cet article signé par de très bons connaisseurs du télétravail.
La première c’est une sorte de personnalisation du télétravail, comme entité qui aurait le pouvoir de changer la société. Alors qu’il n’est qu’une forme d’organisation du travail, pas une personne ni une idéologie. Certes, comme l’écrivent les auteurs, il est “une réponse efficace aux coûts sociaux et environnementaux de l'étalement urbain”. Un étalement qui ne disparaîtra pas dans les 20 ou 30 ans où se projette l’article.
D’autant que le télétravail n’est pas l’ennemi de la décarbonation de l’économie. Si les télétravailleurs consomment plus d’électricité à domicile, il économisent des déplacements. Surtout qu’en milieu rural il n’existe peu de transports en commun, et encore moins de mobilités douces.
Le dogme de l’attractivité économique
La deuxième chose qui a attiré mon attention dans l’article d’Ultra Laborans c’est la mention du “dogme de l'attractivité économique” des territoires. Après les incubateurs, les hôtels d’entreprises, les espaces de coworking, les fablabs ou les tiers-lieux, le télétravail est perçu par les élus locaux comme un élément de modernité, un facteur d’attractivité économique.
Or, les travaux conjoints de l’économiste Olivier Bouba-Olga et du sociologue Michel Grossetti, ont mis en lumière depuis plusieurs années l’inefficacité des politiques d’attractivité. Des politiques qui agissent comme de véritables drogues dont il est difficile de débarrasser, comme le suggère le titre de leur publication : la Mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) : comment s’en désintoxiquer ?
“ Non seulement la CAME ne produit pas les effets attendus, expliquent-ils, mais elle provoque des effets indésirables. Les ressources publiques étant limitées, les dédier fortement à quelques acteurs (startups, chercheurs jugés « excellents »…) ou à quelques lieux (métropoles) conduit à renforcer les inégalités socio-spatiales”.
Et c’est là que le dogme de la compétitivité rejoint celui du télétravail. Le télétravail, entendu surtout comme mouvement de migration des cadres urbains vers les campagnes.
Les travaux des deux chercheurs sur la CAME on mis en évidence que le choix d’un territoire d’installation par une entreprise, une start-up, un chercheur ou même un individu n’a rien à voir avec les dispositifs prévus par les politiques publiques d’attractivité. Oubliez les facilités foncières, les avantages fiscaux, les primes, les infrastructures au service de l’innovation.... Tant qu’on y est, oubliez aussi les affiches 4x3 dans le métro.
Bouba-Olga et Grossetti proposent des alternatives pour en finir avec la CAME : “Les politiques d’attractivité s’apparentent à une course aux armements, il convient d’investir dans les services utiles à l’ensemble de la population présente, de développer des politiques d’accueil des migrants, qualifiés ou non, sans se limiter aux plus reconnus”.
Je ne crois pas au “monde d’après” inéluctable qui est juste une projection de nos préjugés d’aujourd’hui, de ce que nous aimerions voir advenir.
En revanche, je crois à l’empirisme et à la souplesse, comme le proposent nos deux auteurs : “Il convient de soutenir la diversité des initiatives pour alimenter le jeu (inévitable) d’essais/erreurs et qu’émergent les projets qui se révèleront les plus pertinents pour l’avenir”.
🟥 Aller plus loin
Et si le télétravail n’était pas le futur du travail sur Ville Hybride
L’attractivité, un mythe de l’action publique territoriale sur Métropolitiques
La mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) : comment s’en désintoxiquer ? par Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti
Climate mitigation potentials of teleworking are sensitive to changes in lifestyle and workplace rather than ICT usage, une passionnante étude à propos des effets du télétravail sur le climat qui dépend davantage de l'évolution du mode de vie et du lieu de travail que de l'utilisation des technologies.
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