La semaine de quatre jours : une fausse bonne idée ?
La semaine de quatre jours est une idée très séduisante. Mais sa mise en place cache de nombreuses difficultés et des pièges. Une fausse innovation managériale ?
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On a souvent parlé ici de la semaine de quatre jours. L’obsession depuis trente ans du député Pierre Larrouturou - sur une idée d’Antoine Riboud, alors PDG de Danone - qui y voit un moyen de partager le travail.
Mais cette idée a été enterrée par les lois Aubry qui visaient le même objectif de partage du travail. Même si, avec le temps, on en a juste retenu une réduction du temps de travail.
Depuis quelques mois, la semaine de quatre jours redevient d’actualité, cette fois-ci avec la volonté d’améliorer la qualité de vie des salariés. Elle est appliquée en Islande depuis plusieurs années et plusieurs pays la testent, comme l’Espagne, ou l’ont adoptée (selon des modalités variables) : Grande-Bretagne, Belgique, Japon…
En France quelques entreprises pionnières sont passées aux quatre jours par semaine comme LDLC. Les Assises du travail appellent le gouvernement à s’y intéresser.
L’idée de récupérer une journée de congé dans la semaine (l’équivalent de presque sept semaines de congé par an !) est séduisante pour les salariés. Une journée sans venir au bureau, c’est autant de déplacements pendulaires en moins.
Elle plaît bien aux employeurs aussi puisque les études et les expérimentations semblent prouver que la productivité augmente. Et elle permet de réaliser 20% d’économies sur le poste énergie des bureaux ou ateliers la journée où ils sont vides.
Toutefois, la semaine de quatre jours paraît receler des vices cachés dénoncés par Caroline Diard, enseignante-chercheuse en management à l’ESC d’Amiens.
Pour elle, le diable se cache dans la mise en place concrète de l’organisation. Quelle semaine de quatre jours veut-on ? :
une semaine de 35 h réalisée en quatre jours : une surcharge de travail peut accélérer les risques psychosociaux ; et puis à quoi bon récupérer une journée pour soi si c’est la passer à se reposer de sa semaine ?
une semaine de 28 ou 32 h réalisée en quatre jours : un passage au temps partiel avec baisse des revenus et des avantages sociaux pour les salariés ; en cas de maintien du salaire malgré la baisse de temps de travail, surcoût pour l’entreprise avec pari sur l’augmentation de la productivité.
L’idée de la semaine de quatre jours est séduisante. Ce n’est pas pour cela qu’elle séduit les salariés. À l’Urssaf de Picardie, seuls trois salariés sur 200 ont opté pour cette organisation quand ils ont réalisé la difficulté à travailler 9h par jour. Un gain payé trop cher.
Ce qui me gêne dans l’adoption de la semaine de quatre jours, c’est la tentation de retour à une maîtrise de l’organisation du temps de travail. Sans compter le risque d’usine à gaz dans la mise en oeuvre. Caroline Diard souligne par exemple dans son article le problème des cadres au forfait-jour. Et comment gérer les équipes entre télétravail et semaine de quatre jours ? Va-t-on supprimer le télétravail en échange de ce superbe cadeau ou l’interdire complètement ?
La solution me semble plutôt être du côté de la liberté laissée aux salariés. Ce qui correspond d’ailleurs à la demande de la société si l’on en juge par le grand nombre d’études et de sondages publiés depuis deux ans.
Comme l’explique Caroline Diard : “Gare aux fausses promesses, aux innovations managériales qui n’en sont pas !”
🟥 Pour en savoir plus
Les articles d’actualité sur la semaine de quatre jours.
Peut-on encore aménager le territoire ?
Vous avez certainement vu ou entendu des échos de la polémique à propos de la construction de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Objectif : désenclaver la ville de Castres. Le projet a visiblement été sérieusement préparé, y compris sur le plan environnemental. Des écologistes s’y opposent vivement en arguant d’une destruction inutile de la nature.
Comme d’habitude, chacun campe sur ses positions. Un urbaniste essaie de sortir de cet affrontement clanique en posant la vraie question : cette autoroute est-elle utile au développement de Castres ? (voir son fil de conversation sur Twitter).
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🥲 Je ne tiendrai pas jusqu’à la retraite
Selon une étude de la Dares, pour l’année 2019 en France, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des risques professionnels – physiques ou psychosociaux –, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d'insoutenabillité du travail.
😱 Tentation de Big quitage chez les cadres
L’insatisfaction des cadres atteint des niveaux inédits depuis 2018 : près d’une personne sur deux souhaite changer d’entreprise.
👓 C’est utile de regarder ailleurs
Cinq innovations originales à emprunter aux Coréens, aux Brésiliens, aux Canadiens, relevées par les frères Romain et Clément Meyer pendant leur tour du monde du management.
🥷 Faites gaffe avec le saut à l’élastique
Fausse prise d'otage, intrusion d'individus armés dans les locaux... Certains managers sont allés très (trop) loin dans l'organisation de team building. Pour les “cadres à haut potentiel” est-il prévu une semaine de stage à Bakhmout ?
👩🎨 Toi aussi, dénonce tes collègues en télétravail
Un fonctionnaire belge licencié après avoir été repéré par un collègue en train de télétravailler dans un avion volant vers le Portugal.
😇 Les Français ne veulent-ils plus travailler ?
On pourrait croire que les Français ont opté pour un refus du travail. Ou du moins marquent une préférence très forte pour le non-travail. Ouf, il n’en est rien, nous croyons au travail.
🤡 Tout ça pour ça ?
Le gouvernement a annoncé le lancement du programme de reconquête du commerce rural, avec une enveloppe de 12 millions d’euros pour 2023 afin de soutenir l’installation de commerces. Ils ont aussi prévu d’installer des clients pour ces commerces ?
Boîte à outils
▶️ « Faciliter » les changements de comportements, une méthode aux effets pervers
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Vite dit
🌀 Les déplacements pendulaires domicile-travail c’est parfois très chouette 🌀 Complètement à la rue avec les néo-ruraux 🌀 Bel article sur le travail et la vie des paysans au Moyen-Âge.
Michel Audiard c’est le dialogue des Tontons flingueurs, bien-sûr. Mais pas que. Un peu de bonheur nostalgique en attendant les beaux jours et les barbecues.
Et voilà, c’est fini pour cette semaine. Vous pouvez retourner à la préparation des banderoles pour le 1er mai ou profiter de votre semaine de quatre jours.
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