Je ne veux pas être onboardé

Vous connaissiez la langue de bois de l'entreprise, ces mots choisis pour ne rien dire. Vous adorerez le jargon, ce langage clanique choisi pour renforcer l'entre-soi mais aussi pour dominer.

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Je suis tombé hier sur un livre blanc dont la promesse était d’améliorer mon expérience collaborateur en 11 étapes. Cela m’a laissé perplexe et pensif. Pourquoi donc ce jargon corporate et largement anglosaxonisé a-t-il envahi le monde de l’entreprise ? Quand vous passez une journée au bureau, après avoir été onboardé, vous penser vivre une expérience collaborateur dans votre incubateur de talent (traduction : votre entreprise) ? Non, sérieux ?

Vous voyez ce dont je veux parler quand vous recevez ce genre de message avec ce wording impactant ? : “ FYI, vous avez débriefé la conf call pour prendre le lead sur la préparation du kick off meeting ? Thks pour le reporting. “

On connaissait déjà la langue de bois des politiques, celle qui fait rigoler. Ou celle des PDG invités au JT de 20h qui expliquent que malgré la croissance négative du trimestre, leur entreprise reste résolument tournée vers l’avenir. Nous décodons très bien leurs expressions toutes faites et leurs mots creux choisis pour ne rien dire.

Comme l’explique très clairement le politologue François-Bernard Huyghe, grand spécialiste du sujet, “utiliser certains mots, d’une certaine façon, interdit de penser ou oblige à penser.”

Le jargon, lui, a une autre fonction, celle d’inclure dans une communauté, et donc aussi d’exclure ceux qui n’en font pas partie. C’était le rôle de l’argot, du verlan, ou du louchébem, langue des bouchers qui deviendra leur surnom. Tous les métiers jargonnent, ne serait-ce que parce qu’ils utilisent un vocabulaire technique.

Mais le jargon est aussi un outil de pouvoir précise Huyghe : “ Il en résulte souvent, grâce à des termes ésotériques, techniques ou savants, un effet de persuasion (« puisque je ne comprends pas, ce doit être vrai »). La sidération fonde l’autorité. Et le mystère, la soumission.”

Maintenant, vous ne pourrez plus dire que vous ne savez pas. Vous pouvez donc choisir de vous conformer ou de vous rebeller pour ne plus être complice. Je vous dirai bien de “parler vrai” si cette expression n’était pas elle aussi une ruse de la langue de bois. Mais vous voyez l’idée.

C’est votre dernière chance pour que votre mindset ne soit pas avalé tout cru par la marque employeur dont aucune intelligence collective ne pourra vous libérer. Allez, soyez lucide, revenez à une total mindfullness. Sans quoi vous n’arriverez jamais au bout du process.

Pour aller plus loin

• Novlangue & co. par François-Bernard Huyghe

• Langue de bois, l’excellente vidéo de Franck Lepage

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Cela faisait longtemps que je n’avais pas publié un bon Karim Duval. Son talent pour épingler le jargon de l’entreprise et la novlangue des ressources humaines ou des startups s’exprime parfaitement dans ce nouvel épisode, Recruter autrement.

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