Functional stupidity : on vous explique
Une étude suédoise analyse la "stupidité fonctionnelle" : suivisme, cynisme, conformisme, et autres "ismes" à détecter rapidement pour éviter les catastrophes.
Bienvenue dans cette nouvelle Newsletter de Zevillage. Je suis Xavier de Mazenod. Je vous envoie chaque jeudi, dans votre boîte mail, des idées et des trouvailles pour comprendre ce que nous réserve le futur du travail et pour vous aider à travailler mieux et vivre mieux.

Trois chercheurs suédois viennent de publier une étude dérangeante. Ils ont interrogé cent vingt travailleurs sociaux : ils leur ont demandé d’expliquer pourquoi ils ne réfléchissaient pas avant d’agir. Leurs réponses mettent mal à l’aise.
Ne pas réfléchir avant d’agir, cela s’appelle la “stupidité fonctionnelle”. Ce n’est pas une question de quotient intellectuel. C’est une forme de conformité organisationnelle. Je ne réfléchis pas mais je me trouve des raisons. Comment des professionnels compétents et éthiques en viennent-ils à exécuter des tâches qu’ils jugent eux-mêmes problématiques, sans vraiment se poser de questions ?
On n’a pas affaire à des employés endoctrinés qui obéissent aveuglément à des ordres ou a des règlements. C’est plus subtil et plus pervers : c’est un désengagement mental méthodique, une stratégie de survie face à des organisations qui ne tournent plus rond.
Arrêter de penser, en trois leçons
Les travailleurs sociaux invoquent trois modes de conformité : chacun contient plusieurs justifications (dix au total) qui expliquent l’extinction de leur cerveau logique, analytique et éthique.
Le mode “désespoir” regroupe les justifications du type : “Je sais que ça pourrait être différent, mais c’est impossible de changer, donc j’accepte.” C’est l’impuissance acceptée. Elle permet de maintenir une certaine satisfaction professionnelle.
Le mode “cynisme” dit : “C’est comme ça, le système est pourri, je m’en fiche.” Une vraie démission mentale. Le mode le plus destructeur, fortement associé à une faible satisfaction au travail. Les cyniques sont les plus malheureux.
Le mode “autoritarisme” impose : “La conformité est une vertu en soi, pas besoin de réfléchir.” Accepter sans se poser de questions. Ce mode est le moins documenté de l’étude, mais ses conséquences sont inquiétantes : l’obéissance devient une valeur absolue.
La majorité des travailleurs sociaux adhère à plusieurs de ces justifications pour “ne pas penser”. Pas vraiment surprenant.
La justification “plaisir”, liée au mode “désespoir”, induit la meilleure satisfaction professionnelle. Le cynisme, lui, la détruit. Et l’âge joue un rôle : les plus anciens sont à la fois plus ludiques mais parfois plus désespérés. Comme s’il fallait apprendre à survivre en trouvant du sens ailleurs.
En Suède, le travail social a basculé vers le Nouveau Management Public, une tentative pour introduire dans le secteur public les techniques de management du secteur privé : orientation quantitative, efficacité, enquêtes administratives prioritaires au détriment d’un réel soutien. Résultat : une crise d’identité professionnelle massive chez les travailleurs sociaux.
En réaction, ils “éteignent leur cerveau éthique“ pour exécuter des tâches qu’ils jugent contraires à leurs valeurs. La bêtise fonctionnelle n’est pas un défaut individuel. C’est une stratégie de survie imposée par le système.
La conclusion de l’étude est troublante mais honnête : une certaine dose de “non-réflexion organisée” aide les équipes à traverser des journées difficiles. C’est humain, c’est normal, c’est presque sain. Une équipe qui accepte “malgré tout” tient bon. Une équipe cynique s’effondre.
Mais si cette non-réflexion glisse vers le cynisme, on se prépare à un problème d’engagement sérieux. Qui ne disparaîtra pas avec une formation ou un séminaire de team building. Il demande une intervention plus profonde.
Ce que vous pouvez faire dès lundi matin
Passez 20 minutes en face à face avec chaque membre de votre équipe. Écoutez vraiment comment chacun justifie les tâches qu’il trouve problématiques.
Les membres de votre équipe sont-ils “constructifs malgré tout” ? Ou “cyniques et résignés” ?
À lire
L’étude complète : The non-reflexive practitioner: A pilot study on functional stupidity and social work par Fagerberg, McKee & Paulsen, 2020
On vous a fait suivre cette newsletter ? Vous la découvrez grâce à un réseau social ? Elle vous plaît ? Abonnez-vous 😀Un p’tit chez moi rural
Une infographie réalisée par Alexandre Durand-Chabert, spécialiste de l’innovation et créateur d’Airparty, qui diffuse des veilles surprenantes. Alexandre est aussi, à ses heures, un militant de la ruralité heureuse.
😱 Y’a d’l’abus !
Je tombe sur ce document recensant “Les acronymes et abréviations utilisés au sein des documents constituant le Projet Régional de Santé des Pays de la Loire 2018-2022” ! Je n’ai pas compté, mais il y en a 10 pages ! De quoi donner envie d’aller au CLAC (Comité de lutte contre les acronymes à la con).
✊ Reprends tes pouvoirs !
Connaissez-vous Infomaniak, super prestataire suisse, qui développe l’indépendance technologique en Europe “sans compromis sur l’écologie, la vie privée et l’humain”. Ils viennent de lancer leur IA, Euria, qui respecte la vie privée et la confidentialité des échanges. À suivre.
🫥 C’est fini
Voilà dix mots du monde du travail qui tombent en désuétude : curriculum vitae, description de poste, titres, expérience professionnelle, loyauté, temps passé, badges, haut potentiel…
👍 IA et managers
L’intelligence artificielle libère les cadres intermédiaires de la coordination de projet constante et elle aplanit les organigrammes. C’est top.
😨 IA et PDG
Sunchar Pinchai, PDG de Google, pense que dans quelques mois “l’IA pourra se perfectionner dans la prise de décision”. Et qu’elle prendra la place des PDG : “Le rôle d’un PDG sera peut-être l’une des choses les plus faciles à accomplir un jour par une IA”.
💪 IA et artisans
En apportant des gains de temps, d’efficacité et de qualité, l’IA offre aux artisans de nouvelles opportunités de développement.
🤢 C’est pas beau de cafter
Mauvaise nouvelle pour les utilisateurs de Microsoft qui aiment travailler discrètement de chez eux ou dans un coin reculé du bureau, à l’abri des regards et des dérangements : Teams s’apprête à vous dénoncer.
Vite dit
Hommage : Martin Parr en images 🌀 Joyeux Noël au bureau? 🌀Vers une 4e révolution agricole 🌀 Vous avez des fuites ?
Sans commentaire ;-)
Les géants du numérique, les plateformes, décident à votre place de ce que vous devez lire, voir, consommer. Face à cette emprise croissante, nous sommes convaincus du rôle positif des newsletters. Un lien direct, sans intermédiaire. Sans algorithme pour filtrer ou formater l’info.
Si le regard indépendant que Zevillage porte sur le futur du travail vous parle, aidez-nous à faire connaître sa newsletter en la partageant.
De plus, cela fait drôlement plaisir un like aussi ❤️. Cela nous montre que vous êtes là, attentifs, et cela nous donne du cœur à l’ouvrage.
Merci.





