Finalement on l'aime, le travail
Et si la Grande Démission et les difficultés de recrutement ne cachaient pas un désamour du travail ? Et si nous devions plutôt nous concentrer sur les améliorations à apporter au monde du travail ?
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Difficile pour les entreprises de comprendre ce qui se cache derrière toutes les manifestations de la Grande Démission. Cela turlupine la plupart des employeurs car ils ont plus ou moins de mal à recruter. “Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés” : les chauffeurs routiers, les restaurateurs, les industriels, et même le secteur public - auparavant jugé attractif pour la sécurité de l’emploi de son statut -, avec les infirmières ou les enseignants.
On a avancé plusieurs raisons à ces démissions : une quête de sens dans le travail, une recherche d’un emploi mieux rémunéré, un travail moins prenant, avec plus de temps pour la vie personnelle. Et, surtout, on entend souvent dire que la cause centrale de ce séisme serait, tout simplement, un désintérêt pour le travail.
Autrement dit, “plus personne ne veut travailler” suivi de près dans la liste des lieux communs par “on est un pays d’assistés”. Si, comme dans tous les propos de comptoir, il y a souvent du vrai, on ne peut pas résumer les démissions et les difficultés de recrutement par ce simple argument : le rejet du travail.
En cherchant des témoignages sur ce phénomène, je suis tombé cette semaine sur une interview de Benoît Serre, le très médiatique vice-président de l’ANDRH. Il y a quelques mois, il résumait la situation en une phrase : “ On a beaucoup dit : puisque le travail est considéré comme moins central par les gens c’est qu’ils ne s’y intéressent plus. Ce qui n’est pas exact. Le problème c’est qu’on a confondu le travail et l’emploi”.
Dans un monde où le travail façonne, qu’on le veuille ou pas, notre identité et nos interactions sociales, l'article de Telos se penche sur la question centrale : la perception de la - fameuse - valeur du travail est-elle en mutation ? À travers une analyse d’enquêtes internationales, l'article dévoile des tendances surprenantes et des nuances culturelles significatives.
D'emblée, on constate que la valeur accordée au travail reste remarquablement stable en France, démentant l'idée d'un déclin. Les Français, tout en appréciant les aspects intrinsèques du travail comme la réalisation personnelle et le sentiment d'accomplissement, ne négligent pas pour autant les aspects extrinsèques tels que la rémunération et la sécurité d'emploi. Cette dualité reflète une quête d'équilibre entre ambition professionnelle et bien-être personnel.
Mais ce n'est pas tout. L'article met en lumière les différences culturelles fascinantes dans la perception du travail. Par exemple, dans certains pays, le travail est perçu davantage comme un moyen de subsistance, tandis qu'ailleurs, il s'agit d'une source d'accomplissement personnel. Cette diversité d'approches témoigne de la complexité de notre rapport au travail à l'échelle mondiale.
L'impact de la crise sanitaire et la montée du télétravail ajoutent une autre couche d'analyse. Ces événements récents ont remis en question les normes traditionnelles et pourraient bien redéfinir notre relation au travail. La flexibilité, l'autonomie et la conciliation travail-vie personnelle émergent comme des aspects de plus en plus valorisés.
C’est le monde du travail qui est malade
J’avais parlé ici d’une étude de l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès qui allait dans le sens d’un désintérêt pour le travail.
Depuis, j’ai découvert la longue critique de cette étude rédigée par le sociologue du travail Michel Lallement. Un sociologue de terrain : il a vécu un an en Californie pour étudier le phénomène des hackers spaces et des nouvelles formes de travail. Il en avait tiré un livre passionnant, l’Âge du faire.
Selon l’étude de la Fondation Jean-Jaurès, seul 24% des actifs estimeraient désormais que le travail est "très important" dans leur vie, contre 60% en 1990.
Michel Lallement pointe certaines limites méthodologiques de l’étude, remettant en cause ses conclusions. Tout d'abord, la population interrogée en 2021 ne comprenait que les salariés, excluant les inactifs, chômeurs et non-salariés, ce qui interdit toute comparaison avec 1990. De plus, les termes de l'enquête ("importance" du travail) prêtent à confusion et l'absence de questions complémentaires ne permet pas de clarifier leur sens pour les répondants.
Par ailleurs, de nombreuses études de sociologie du travail relativisent l'idée d'une soudaine remise en cause de la valeur travail. Les enquêtes "Valeurs" menées depuis 30 ans montrent une stabilité de l'importance accordée au travail en France. Le temps de travail annuel a même retrouvé en 2021 son niveau d'avant-crise de la Covid selon la Dares.
Certes, le travail a changé, avec une hausse de son intensification et une dégradation des conditions pour beaucoup. Mais les enquêtes qualitatives révèlent plutôt un attachement au travail, notamment lorsqu'on l’estime porteur de sens. Le véritable enjeu se situe davantage du côté de la reconnaissance au travail et de la qualité des emplois.
Ainsi, si les mentalités évoluent, il convient de rester prudent face à une affirmation d'un "déclin de la valeur travail", dont les études sociologiques permettent de nuancer la portée.
Pour Philippe Lallement, le débat devrait surtout porter sur l'amélioration concrète du monde du travail.
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In Memoriam
Nous avons appris cette semaine la triste nouvelle du décès brutal, dans un horrible accident, de Jérôme Ambruster, PDG fondateur du job board HelloWork, anciennement RégionsJob. Il avait soutenu notre Tour de France du télétravail et des tiers-lieux, notamment l’étape de Rennes d’où est originaire l’entreprise. Toutes nos condoléances à sa famille et à son équipe.
🫤 Les gaités de l’administration
Vous trouvez que c’est bien normal de faire gérer les problèmes de jours de travail par le tribunal ? Dans l’administration cela se passe comme cela !
🥳 Bande de fadas non créatifs
Le patron de L’Oréal, Nicolas Hiéronimus, a estimé, lors du forum de Davos, que les salariés en télétravail n’ont “absolument aucun attachement, aucune passion, aucune créativité”. Et, selon lui, le travail à domicile serait “très mauvais pour la santé mentale” des travailleurs.
😢 Gros nuls
Pas étonnant que ces gros nuls de télétravailleurs sans passion ni créativité soient pénalisés dans leur évolution de carrière. Ils l’ont bien cherché.
🏢 Que dalle
Wework, leader et pionnier dans le domaine du coworking, ferme petit à petit ses bureaux. Dont son espace de la Défense. Cela s’arrange sur la dalle…
👍 Très pratique
Cela vous intéresse ces vingt et une actions pour améliorer votre organisation de travail : comment bien gérer votre temps, comment gérer vos priorités, comment rester créatif et comment arrêter de courir après les infos ?
🤝 Tous ensemble
Le télétravail est souvent accusé de briser le lien social. Voilà trois façons de favoriser un sentiment de communauté au travail.
😆 LoL
Même les cadres qui imposent le retour au bureau admettent que cela n'améliore pas la productivité : Atlassian fait le point sur les 1 000 premiers jours de sa politique de travail en mode distribué.
Recyclage
Philippe Silberzahn est en période de recyclage d’anciens articles sur Linkedin. Et ce n’est pas parce que c’est vieux que ce n’est plus d’actualité. Je vous en ai sélectionné deux.
D’abord Risque, vision, prévision et héroïsme: Quatre mythes de l’entrepreneuriat dont le titre parle à lui seul.
Et ensuite Quand les « talents » sont les meilleurs ennemis de l’innovation sur les dangers de conformisme que représentent ces bons élèves les “talents”.
Vite dit
Faites gaffe quand même 🌀 Manager à l’heure du télétravail, c’est fastoche 🌀 Travailler assis peut tuer 🌀 Tiers-lieux : utopie ou réalité économique ? 🌀 Bien-être des salariés en télétravail, témoignage.
En deux ans, le nombre de personnes payées au salaire minimum a bondi de près de 50 %. Ce rattrapage des bas salaires par le smic, dû notamment à son indexation sur l’inflation, participe au sentiment de déclassement et de désengagement au travail. Un article du Monde d’où est tiré ce dessin.
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